CHAPITRE TRENTE-TROIS

Le sol, imbibé du sang de Lucie, se mit à trembler sous mes pieds, ondulant comme si ce n’était plus de la terre, mais de l’eau. Par-dessus des cris de panique, j’entendis la voix d’Aphrodite, toujours aussi calme.

— Rapprochez-vous de nous, mais ne brisez pas le cercle.

— Zoey, haleta Lucie en me regardant, les yeux pleins de douleur. Écoute Aphrodite. Ne brise pas le cercle. Quoi qu’il arrive !

— Mais tu...

— Non ! Je ne suis pas en train de mourir. Je te le promets. Il a juste pris mon sang, pas ma vie Ne romps pas le cercle !

Je hochai la tête et me levai.

— Placez-vous de chaque côté de Lucie, ordonnai-je à Erik et à Vénus, qui se tenaient juste à côté de moi. Relevez-la. Aidez-la à tenir sa bougie, et ne la laissez s’éteindre en aucun cas.

Vénus paraissait secouée, mais elle s’approcha de Lucie. Erik, livide, me dévisageait.

— Fais ton choix maintenant, dis-je. Soit tu es avec nous, soit tu es avec Neferet et les autres.

— J’ai fait mon choix quand je me suis porté volontaire pour être ton consort ce soir, répondit-il sans hésitation. Je suis avec toi.

Puis il se précipita pour aider Vénus à relever Lucie.

Trébuchant sur le sol, qui ondulait toujours, j’allai chercher ma bougie sur la table de Nyx avant qu’elle ne tombe et ne s’éteigne. Je me tournai vers Damien et les Jumelles. Ils suivaient les instructions d’Aphrodite et, au milieu des cris et du chaos qui régnait à l’extérieur de notre cercle, ils marchèrent lentement, réduisant sa circonférence, jusqu’à ce que nous soyons tous, Damien, les Jumelles, Aphrodite, Erik, les novices rouges et moi, regroupés autour de Lucie.

— Maintenant, il faut qu’on s’éloigne de l’arbre, dit Aphrodite, mais sans rompre le cercle. Nous devons nous diriger vers la trappe dans le mur.

Je la regardai, et elle hocha la tête, solennelle :

— Je sais ce qui va se passer ensuite, et ça ne va pas être beau.

— Alors partons d’ici !

Nous nous mîmes en mouvement à petits pas, prenant mille précautions à cause de Lucie, des bougies et du cercle qu’il fallait maintenir à tout prix. Je m’attendais à ce que des novices ou des vampires nous bloquent le passage, ou du moins à ce que Shekinah nous ordonne de ne pas bouger. Or c’était comme si nous évoluions dans une bulle de sérénité à l’intérieur d’un monde de sang et de panique. Nous longeâmes le mur, progressant très lentement. Je venais de remarquer que le sol sous nos pieds était plus plat et sec lorsque le terrible rire de Neferet parvint jusqu’à moi.

Au même moment, le chêne se fendit en deux dans un craquement assourdissant. Je marchais à reculons, soutenant Lucie, si bien que je voyais clairement l’arbre. Au milieu du tronc apparut une créature enveloppée d’immenses ailes noires. Elle se posa au sol, redressa son corps puissant et déploya ses ailes couleur de nuit.

— Oh, déesse ! soufflai-je. Kalona !

C’était le plus bel homme que j’avais jamais vu. Sa peau lisse, sans aucune imperfection, semblait dorée par les rayons du soleil. Ses cheveux, aussi noirs que ses ailes, lui tombaient sur les épaules. On aurait dit un guerrier surgi du fond des âges. Et son visage... Comment pourrais-je décrire ce visage magnifique ? On aurait dit une sculpture qui se serait animée. En comparaison, le plus beau des humains ou des vampires passait pour une imitation ratée de sa gloire. Il avait des yeux ambrés, dans lesquels j’avais envie de me perdre.

Je m’étais arrêtée, et j’aurais brisé le cercle pour courir me jeter à ses pieds s’il n’avait pas levé ses bras superbes et crié d’une voix profonde :

— Relevez-vous, mes enfants !

Aussitôt, les Corbeaux Moqueurs jaillirent du sol et remplirent le ciel. La vue de leurs corps difformes brisa le charme que Kalona m’avait jeté. Ils encerclèrent leur père en poussant des cris, et Kalona se mit à rire en levant les bras au ciel pour que leurs ailes puissent les caresser.

— Nous devons décamper ! lança Aphrodite.

— Oui, maintenant ! Dépêchons-nous ! dis-je, ayant recouvré mes esprits.

Le sol ne tremblait plus, et nous accélérâmes le pas. Je marchais toujours à reculons, et je vis, horrifiée, Neferet s’approcher de l’ange libéré. Elle s’arrêta devant lui et fit une révérence gracieuse.

Il inclina la tête d’un air royal, ses yeux luisant déjà de luxure.

— Ma reine, dit-il.

— Mon consort, répondit-elle en se tournant vers la foule, qui avait cessé de s’agiter et fixait Kalona, fascinée.

— Voici Erebus, enfin revenu sur terre ! proclama-t-elle. Inclinez-vous devant le consort de Nyx, notre nouveau seigneur sur terre.

Une grande partie de la foule, en particulier les novices, tomba à genoux. Je cherchai Stark, mais je ne le vis pas. Shekinah fit un pas en avant, se frayant un passage au milieu des novices avec une expression méfiante, les sourcils froncés. Plusieurs Fils d’Erebus se joignirent à elle, vigilants, mais je n’aurais su dire s’ils se méfiaient de Kalona, comme Shekinah, ou s’ils voulaient le protéger d’elle. Avant qu’elle ait pu fendre la foule et affronter l’ange déchu, Neferet leva la main et fît un petit mouvement du poignet.

Shekinah écarquilla les yeux, mit la main sur son cou et s’effondra en poussant un cri. Les Fils d’Erebus accoururent auprès d’elle.

A ce moment-là, je sortis mon téléphone et tapai le numéro de sœur Marie Angela.

— Zoey ? répondit-elle à la première sonnerie.

— Partez ! Partez tout de suite !

— Je comprends, dit-elle, extrêmement calme.

— Emmenez Grand-mère ! Vous devez emmener Grand-mère avec vous !

— Bien sûr. Prends soin de toi et de tes amis. Je m’occuperai d’elle.

— Je vous appellerai dès que possible, promis-je avant de raccrocher.

Lorsque je relevai les yeux, je vis que Neferet nous regardait.

— On y est ! annonça Aphrodite. Ouvrez cette foutue porte, maintenant !

— C’est déjà fait, dit une voix familière.

Je jetai un coup d’œil derrière moi. Darius se tenait à côté du passage. Avec un immense soulagement, j’aperçus à côté de lui Jack, pleurant à chaudes larmes mais en un seul morceau, Duchesse à ses pieds.

— Si tu es avec nous, tu devras être contre eux, dis-je à Darius en désignant du menton la Maison de la Nuit et les Fils d’Erebus, qui ne faisaient pas un geste contre Kalona.

— J’ai fait mon choix, répondit le combattant.

— Peut-on partir, s’il vous plaît ? supplia Jack. Elle nous regarde !

— Zoey ! Il faut que tu gagnes du temps, intervint Aphrodite. Utilise les éléments, tous les éléments. Protège-nous !

Je hochai la tête et fermai les yeux pour me concentrer. Comme à travers le brouillard, j’entendais Aphrodite donner des ordres aux novices rouges, leur disant de rester groupés à l’intérieur du cercle. Mais je n’étais plus vraiment là. Mon être entier demandait au vent, au feu, à l’eau, à la terre et à l’esprit de nous dissimuler à la vue de Neferet. Quand ils m’obéirent, je me sentis vidée de toutes mes forces. Je n’en fus pas surprise : pour la première fois, j’avais sollicité en même temps les cinq éléments pour qu’ils accomplissent une tâche immense.

Je serrai les dents et tins bon. Les éléments s’agitaient autour de nous. Je sentais le sel de l’océan alors qu’une brise puissante faisait tournoyer une brume épaisse. Puis le tonnerre éclata dans le ciel soudain nuageux, et avec un bruit fracassant la foudre frappa un arbre à quelques mètres de nous. Lorsque j’ouvris les yeux, tandis qu’un des novices rouges m’entraînait dans le passage, je constatai que notre petit groupe était entièrement abrité par les éléments en furie. Au milieu de ce chaos, je perçus le miaulement de Nala. Elle menait une bande de chats, dont l’horrible Maléfique, tout ébouriffée, et Belzébuth, le terrible mâle des Jumelles.

J’aperçus Neferet, qui jetait des regards incrédules à la ronde, étonnée que nous ayons réussi à lui échapper. Puis le passage se referma.

— OK, reformez le cercle, resserrez-le. Les Jumelles ! Vous êtes trop proches l’une de l’autre, tout est déséquilibré. Les chats, arrêtez de cracher sur Duchesse. Ce n’est pas le moment !

Aphrodite donnait des ordres comme un sergent-chef.

— Les souterrains..., fit Lucie d’un filet de voix. 

Elle ne tenait pas debout. Erik la prit dans ses bras et la serra comme un bébé, faisant attention à ne pas toucher la flèche qui lavait transpercée. Elle était terriblement pâle, ce qui faisait ressortir son tatouage rouge.

— Nous devons aller dans les souterrains, marmonna-t-elle. Nous y serons en sécurité.

— Lucie a raison, acquiesça Aphrodite. Il ne nous suivra pas là-bas, et Neferet non plus. Plus maintenant.

— Quels souterrains ? voulut savoir Darius.

— Ceux qui s étendent sous la ville. Ce sont d’anciennes caches datant de l’époque de la prohibition, expliquai-je. L’entrée se trouve dans l’ancienne gare.

— La gare ? C’est à cinq kilomètres d’ici, en plein centre-ville, dit-il. Comment allons-nous... ?

Il fut interrompu par des cris terribles venant des parages. Des boules de feu scintillantes apparurent, s’épanouissant dans le ciel telles des fleurs mortelles.

— Que se passe-t-il ? lâcha Jack en se rapprochant de Damien.

— Ce sont les Corbeaux Moqueurs, répondit Aphrodite. Ils ont réintégré leurs corps, et ils ont faim. Ils s’attaquent aux humains.

— Ils peuvent se servir du feu ? s’étonna Shaunee.

— Oui.

— Tiens, on va voir qui est le plus fort ! s’écria Shaunee en levant un bras.

Je sentis la brise qui nous entourait se réchauffer.

— Non ! cria Aphrodite. Il ne faut pas attirer leur attention sur nous. Si tu le fais, nous sommes fichus.

— Tout ça était dans ta vision ? lui demandai-je.

— Oui, et plus encore. Ceux qui ne se cacheront pas sous terre seront leurs proies.

— Alors on va dans les souterrains de Lucie, décidai-je.

— Mais comment ? gémit une des novices rouges que je ne connaissais pas.

Je rassemblai mes forces. Je ne voulais pas qu’ils sachent à quel point ces efforts me vidaient de mon énergie. Ils devaient croire que j’étais forte, sûre de moi, que je contrôlais la situation. J’inspirai profondément.

— Du calme ! Je sais comment me déplacer sans qu’on me voie. Je l’ai déjà fait. Nous l’avons déjà fait, me repris-je en adressant un pâle sourire à Lucie et à Aphrodite. Pas vrai ?

Lucie réussit à acquiescer.

— Oui, c’est vrai, dit Aphrodite.

— Alors, c’est quoi, le plan ? s’enquit Damien.

— Voilà : nous allons devenir brouillard et ombre, nuit et obscurité, répondis-je. Nous n’existerons pas. Personne ne nous verra. Nous serons la nuit, et la nuit sera nous.

Alors que je donnais ces explications, je sentis le frémissement familier dans mon corps et je vis les novices rouges sursauter. Je compris qu’ils ne distinguaient plus à ma place qu’une masse brumeuse. Étrangement, il m’était plus facile de me fondre dans la nuit alors que j’étais épuisée... comme si je pouvais simplement disparaître et dormir enfin...

— Zoey ! s’écria Erik, ce qui me sortit de ma transe.

— Pas de panique ! Je vais bien. Maintenant, faites comme moi. Concentrez-vous. Vous pouvez y arriver.

Vous êtes brouillard et ombre. Personne ne vous voit. Personne ne vous entend. Il n’y a plus que la nuit, et vous en faites partie.

Mon petit groupe se mit à chatoyer, puis à disparaître. Ce n’était pas parfait, car Duchesse était toujours un bon gros labrador blond. Les chats, eux, s’étaient fondus dans l’obscurité.

— Maintenant, allons-y. Restez groupés. Tenez-vous la main. Ne vous laissez pas déconcentrer. Darius, montre-nous le chemin.

Nous partîmes donc dans une ville aux allures de cauchemar éveillé. Je devais me demander plus tard comment nous avions réussi. C’était sans aucun doute grâce à Nyx, qui veillait sur nous. Nous nous déplacions dans son ombre. Dissimulés par son pouvoir, nous disparaissions dans la nuit, une nuit qui avait sombré dans la folie.

Les Corbeaux Moqueurs étaient partout. À minuit à peine passé, le soir du réveillon du nouvel an, les créatures avaient le choix parmi les humains éméchés qui dansaient dans les rues et ceux qui étaient sortis des clubs, des restaurants et des superbes manoirs parce qu’ils avaient entendu le crépitement des boules de feu et pensaient qu’il s’agissait de feux d’artifice. Combien d’entre eux avaient levé les yeux au ciel et eu pour dernière vision d’affreux yeux rouges luisant dans des visages monstrueux ?

Alors que nous étions à la moitié du trajet, j’entendis des sirènes de police et de pompiers, ainsi que des coups de feu, et je souris avec amertume. Nous étions en Oklahoma ; ici, les gens aimaient les armes à feu. Les armes modernes avaient-elles une quelconque efficacité sur des créatures nées du mythe et de la magie ? Je me dis que nous le saurions bien assez tôt...

À un pâté de maisons de la gare abandonnée de Tulsa, une bruine froide et triste se mit à tomber, nous glaçant les os, mais nous aidant à échapper mieux encore aux regards, qu’ils soient humains ou pas.

Nous nous précipitâmes au sous-sol de la gare, où nous étions entrés sans peine en poussant une grille en métal déverrouillée. Une fois plongés dans l’obscurité, nous poussâmes un soupir de soulagement.

— Maintenant, nous pouvons rompre le cercle, déclara Aphrodite.

— Merci, esprit, tu peux partir, commençai-je, avant de me tourner vers Lucie, toujours dans les bras d’Erik. Je te suis reconnaissante, terre, tu peux partir.

Puis je m’adressai à Erin.

— Eau, tu as été efficace ce soir. Tu peux t’en aller. Feu, dis-je à Shaunee, merci. Pars, je t’en prie.

Puis je rompis le cercle avec l’élément qui l’avait ouvert.

— Vent, tu as ma gratitude, comme toujours. Tu peux partir.

Alors, avec un petit crépitement, le fil argenté qui nous avait unis et protégés disparut.

Je grinçai des dents, luttant contre l’épuisement qui menaçait de me submerger, et je crois que je serais tombée si Erik ne m’avait pas attrapée par l’épaule.

— Descendons ! lança Aphrodite. Nous ne sommes pas complètement en sécurité ici.

Nous courûmes au fond du sous-sol, vers la plaque d’égout. Elle dissimulait une échelle qui menait à 1 énorme réseau de souterrains. Me retrouver ici était une expérience surréaliste. La dernière fois que j étais venue, en plein milieu d’une tempête de neige, c’était pour arracher Heath et Lucie aux griffes dune bande de novices... que je m’efforçais désormais de sauver.

Heath !

— Zoey, on t’attend ! dit Erik en me voyant hésiter. 

Il avait déposé Lucie dans les bras de Darius, et nous étions les seuls à ne pas encore être descendus.

— Je dois passer deux coups de fil d’abord. Il n’y a pas de réseau en bas.

— Alors dépêche-toi ! Je vais les prévenir que tu arrives.

— Merci, dis-je en lui faisant un sourire las. Je fais vite.

Il hocha sèchement la tête et dévala l’échelle. À ma grande surprise, Heath répondit à la première sonnerie.

— Qu’est-ce que tu veux, Zoey ?

— Écoute-moi bien, Heath, je dois faire vite. Une créature sanguinaire a été relâchée à la Maison de la Nuit. Ça va être horrible, vraiment horrible. Je ne sais pas combien de temps ça va durer, car je ne sais pas comment l’arrêter. Mais tu ne peux être en sécurité que sous terre. Cette créature n’aime pas les sous-sols. Tu comprends ?

— Oui.

— Tu me crois ?

— Oui, répondit-il sans la moindre hésitation.

Je poussai un soupir de soulagement.

— Va te cacher avec ta famille et tous ceux qui comptent pour toi. Il n’y a pas une cave chez ton grand-père ?

— Si, on peut aller là-bas.

— Bien, je te rappellerai dès que possible.

— Zoey, est-ce que tu es en sécurité ?

— Oui, dis-je, le cœur serré.

— Où ?

— Dans les vieux souterrains de la gare.

— Mais c’est dangereux !

— Non, non, ce n’est plus comme avant. Ne t’en fais pas. Ne prends pas de risques, d’accord ?

— D’accord.

Je raccrochai avant de dire quelque chose que nous aurions tous les deux regretté. Puis je composai le second numéro. Ma mère ne répondit pas. Je tombai sur le répondeur à la cinquième sonnerie : « Vous êtes bien à la résidence Genniss. Nous aimons et craignons le Seigneur et nous vous souhaitons une journée bénie. Laissez-nous un message. Amen ! »

Je levai les yeux au ciel.

— Maman, tu vas penser que Satan a été relâché sur terre, et pour une fois tu ne seras pas loin de la vérité. Il se passe quelque chose de grave, et le seul moyen de fuir le danger est de te cacher sous terre, dans un sous-sol ou une grotte. Va dans le sous-sol de l’église et restes-y, OK ? Je t’aime, maman. J’ai fait en sorte que Grand-mère soit en sécurité elle aussi, elle est avec La…

Le répondeur me coupa. Je soupirai, espérant qu’elle m écouterait. Puis je suivis les autres dans les souterrains.

Mon groupe m’attendait en bas de l’échelle. Des lumières clignotaient dans le couloir qui s’étendait devant nous, long et intimidant.

— J’ai envoyé les novices rouges s’occuper de l’éclairage et du reste, m’annonça Aphrodite. Le « reste » étant des couvertures et des vêtements secs.

— Bien. Très bien.

Je me forçai à réfléchir, malgré mon épuisement. À la lueur des vieilles lampes à huile, je pus distinguer l’expression de mes compagnons. Je lus la même chose sur tous les visages, même sur celui d’Aphrodite. Ils avaient peur.

« S’il vous plaît, Nyx, priai-je, donnez-moi de la force et aidez-moi à trouver les mots justes, car de mes paroles dépend la vie que nous allons mener ici. Je vous en prie, ne me laissez pas tout gâcher. »

Aussitôt, je ressentis de la chaleur, de l’amour et de l’assurance, et j’eus un regain d’énergie.

— La situation est grave, commençai-je. On ne peut le nier. Nous sommes jeunes. Nous sommes seuls. Nous sommes blessés. Neferet et Kalona sont puissants et, apparemment, les autres vampires et novices sont de leur côté. Mais nous possédons quelque chose qu’eux n’auront jamais. Nous avons l’amour, la vérité, et nous sommes là les uns pour les autres. Nous avons Nyx. Elle a marqué chacun de nous, et d’une manière extraordinaire elle nous a choisis. Il n’a jamais existé de groupe comme le nôtre. Nous sommes uniques.

Je fis une pause, les regardant à tour de rôle pour leur transmettre ma confiance. Darius en profita pour prendre la parole :

— Prêtresse, ce qui se passe en ce moment est aussi unique en son genre ! Je n’ai jamais entendu parler d’une chose pareille. Cette créature indomptée bouillonne de rage ! Lorsqu’elle a jailli de l’ombre, j’ai eu le sentiment très fort que le mal était revenu sur terre.

— Tu l’as reconnu, Darius, ce qui n’est pas le cas des autres Fils d’Erebus. J’ai observé leur réaction. Ils n’ont pas saisi leurs armes, ils ne nous ont pas rejoints, comme toi.

— Peut-être qu’un combattant plus courageux serait resté, dit-il.

— N’importe quoi ! s’écria Aphrodite. Un combattant plus stupide serait resté ! Tu es là avec nous, et maintenant tu as une chance de t’opposer au mal. Tes collègues ont été fauchés par ces saletés d’oiseaux, ou sont tombés sous le charme de Kalona, comme la plupart des novices et des vampires.

— Oui, intervint Jack. Nous sommes là parce que nous sommes différents.

— Tellement différents que la définition de ce mot dans le dictionnaire devrait être accompagnée d’une photo de nous, enchérit Lucie.

— Bien. Alors qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? demanda Erik.

Ils me regardèrent tous.

— Eh bien, on trouve un plan.

— Un plan ? répéta Erik. C’est tout ?

— Non, on conçoit un plan, et ensuite on le met à exécution pour récupérer l’école. Ensemble.

— Je tendis les mains,

— Vous êtes avec moi ?

Aphrodite leva les yeux au ciel, mais elle fut la première à poser sa main sur les miennes.

— Oui, dit-elle.

— Moi aussi, s’écrièrent tous les autres en l’imitant.

— Très bien ! Alors montrons-leur de quoi nous sommes capables ! m’exclamai-je.

Et, tandis qu’ils se mettaient tous à crier, je sentis un picotement familier dans mes paumes et je sus que, lorsque je retirerais mes mains, de nouveaux tatouages y auraient apparu, comme si j’étais une prêtresse exotique marquée au henné par sa déesse. Et soudain, au milieu de cette folie, de ce chaos, je fus envahie par un sentiment de paix, et j’eus la certitude de marcher sur le chemin que la déesse avait tracé pour moi.

Ce chemin n’était pas facile ; il était semé d’embûches. Mais c’était le mien et, comme moi, il était unique.

[La Maison de la Nuit 04] Rebelle
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